Les référentiels, les checklists, les guides de bonnes pratiques sont avant tout des outils de prévention des risques. Intrinsèquement, ce ne sont pas des outils pour contraindre à la conformité, pour obliger à l'excellence, pour exiger la qualité : il est certes possible de les utiliser de cette façon, mais ce n'est pas la meilleure approche.
Chaque critère d'une checklist Accessibilité, Qualité, Open data ou encore SEO (Search Engine Optimization) doit être analysé de la façon suivante :
- Si le critère n'est pas respecté, alors un risque est avéré.
- Quel est le degré de gravité de ce risque ?
- Quelle est la probabilité qu'il survienne ?
- Est-il acceptable, et si oui, pourquoi ?
- Sinon, ai-je une solution pour gérer ses conséquences ?
Utiliser un ensemble de critères comme des outils de détection et de prévention des risques ne permet pas de dépassionner entièrement les débats. Ceux-ci peuvent même alors se déplacer sur la probabilité et l'acceptabilité de ces risques. Mais derrière cette analyse du risque en continu se cache une pratique professionnelle ouverte à la prise en compte de paramètres extérieurs. Derrière cette approche se cache aussi un refus systématique des approches binaires bon/mauvais, gentil/méchant, accessible/pas accessible, white hat/black hat.
Récemment, plusieurs articles et commentaires ont été publiés sur la thématique SEO et référencement. C'est tout à fait intéressant, mais cela conduit à des débats sur le mode « faut-il privilégier le référencement ou l'accessibilité ? » alors que celui-ci ne peut pas être tranché par un expert SEO ou accessibilité.
Ce débat concerne chaque administrateur de site, dans sa situation, dans son contexte, avec ses moyens et pour chaque critère accessibilité ou SEO. Le boulot d'un professionnel est d'alerter sur les risques et de fournir de quoi prendre des décisions. Ce n'est certainement pas de « défendre » l'accessibilité ou le SEO, ils se débrouillent pas mal tout seuls.
Alors, si vous êtes des professionnels : analysez les risques, priorisez vos actions, pensez aux enjeux et aux risques des autres. Prenez vos décisions froidement à partir des risques, trouvez des compromis, faites des arbitrages. Nos checklists peuvent vous aider à détecter des risques. Ce sont des outils d'analyse de risques avec lesquels vous pouvez vous positionner professionnellement, ou pas.
Un marteau sert essentiellement à planter des clous, mais si vous avez envie de vous en servir pour taper sur des têtes, libre à vous. C'est votre projet web, ce sont vos clients. Et surtout n'accusons pas le marteau.
1 De Nico - 14/12/2011, 13:57
J'applaudis des deux mains sur la dernière phrase (et le reste :) ).
"C'est surtout plus simple d'accuser le marteau que la main qui le tient"...
2 De JPV - 16/12/2011, 05:12
Je ne pense pas que l'article d'Olivier tende au débat tel que tu le décrit bien au contraire.
Si il doit y avoir un débat il faut au préalable éclairer le problème correctement, par exemple : il existe des lois qui tendent à rendre obligatoire l'accessibilité d'un contenu Web et, à ma connaissance, il n'y a pas de loi qui oblige à rendre obligatoire le bon référencement d'un site.
Attention, je ne suis pas en train de brandir un bâton de gendarme, je dis simplement que cela illustre la qualité particulière de l'accessibilité qui lui donne une sorte de préséance sur d'autres domaines proches.
Il ne viendrait à personne l'idée saugrenue de laisser à la seule question des moyens et d'un contexte la gestion de la sécurité incendie d'un lieu recevant du public et pour bien s'en assurer on en fait des lois et des règlements.
Donc, d'une certaine manière le débat est tranché : faut-il privilégier l'accessibilité ou le référencement est, et sur ce point nous sommes d'accord, une question idiote.
Il n'y à pas lieu de trancher, un critère d'accessibilité à théoriquement préséance sur un critère de référencement. Ce n'est pas une position philosophique, un excès de zèle ou un dogmatisme rigide mais simplement l'expression d'un droit tellement fondamental que le législateur en fait des lois. De même que d'aller danser en discothèque sans risque de se transformer en hotdog est également un droit.
Sous cet éclairage le débat devient tout de suite beaucoup plus intéressant parce que, dans cette perspective, l'accessibilité est, pour parler clair, une contrainte, comme la règlementation en matière de sécurité incendie en est une autre.
Et ça n'empêche pas de faire des sites formidablement accessibles et formidablement bien référencés comme ça n'empêche pas de faire des discothèques formidablement sympathiques.
Je sais bien que cette base de discours n'est pas très sexy, ni très vendeuse, mais c'est la vérité, il n'y à pas de différence entre la contrainte de proposer des contenus accessibles et celle d'utiliser des moquettes M1 dans un lieu public.
Le jour où tout le monde auras bien compris ça on pourra passer au reste, c'est à dire se poser tout un tas de bonnes questions sur l'art et la manière d'utiliser le plus intelligemment possible ces contraintes pour définir un cadre vertueux. De même qu'on pourra enfin s'atteler à résoudre le problème du manque de discernement tragique de nos méthodes, ou plutôt, là aussi pour être clair, le vide abyssal en matière méthodologique.
Mais mettre sur le même niveau l'accessibilité et le référencement c'est comme dire qu'on pourrais sacrifier un peut de sécurité incendie pour assurer la publicité d'un lieu recevant de public.
Mais attention, avant de passer pour un salafiste de l'accessibilité, je tiens à préciser que cette approche "contraignante" ne peut s'envisager qu'avec toute l'intelligence nécessaire, c'est à dire la faculté de bien comprendre ce que nous devons aux utilisateurs concernés au titre de leur droit fondamental à s'assoir à la même table que nous.
Et de ce point de vue ce n'est pas très différent des approches positivistes même si c'est un peut moins sharethelove.
Ce qui m'amène sans vergogne à m'arroger le droit de taper un peu sur le marteau OPQUAST SEO ou pour faire plus politiquement correct de proposer une amélioration.
Les règles SEO 1, 4 et 5 loin de permettre une mesure de risque quelconque sont en réalité un mécanisme générateur de risque pour l'accessibilité. Avec pour la règle SEO 4 qui préconise l'utilisation de troncature automatique un facteur de risque de 100%.
Et pour être honnête je trouve que ça fait vraiment tâche sur OPQUAST.
Et c'est ce risque, ce manque de discernement, que relève selon moi l'article d'Olivier et si nous avons besoin de dialoguer avec le SEO c'est en premier lieu pour expliquer avec intelligence qu'en matière d'alternative d'image la marge de manoeuvre est riquiqui et que "Renseigner l'attribut ALT de chaque élément IMG, AREA, INPUT type image, APPLET" ou "recourir à un automatisme du CMS pour tronquer les contenus automatiquement insérés comme alternative" c'est simple, c'est NIET.
Ca n'a rien à faire dans une "bonne pratique" de SEO, ce ne sont pas des bonnes pratiques, ce sont des mauvais usages.
Bon pour le coté sharethelove on va leur dire également qu'ils peuvent faire absolument ce qu'ils veulent d'intelligent avec les intitulés de liens et de titres sur lesquels ils sont infiniment plus performants que nous.
JPV
3 De Olivier Nourry - 20/12/2011, 07:50
Je crois que JPV résume bien la question, et d'ailleurs ton article, Elie, me conforte plus qu'autre chose: en matière de gestion des risques, il y a ce qui est négociable, et ce qui ne l'est pas. On peut appeler ça contraintes versus recommandations, exigences versus bonnes pratiques, peu importe. Le tout est de trouver un moyen de séparer les uns des autres. Puis, faire obligatoirement tout ce qui est non négociable. Et pour ce qui rentre dans le négociable, de placer le curseur correctement en fonction des différents paramètres projet.
Quand j'étais étudiant, le prof qui nous a parlé de Qualité (industrielle, c'était en l'an 1 après Tim Berners-Lee) nous a donné cet exemple frappant. Prenons un taux de défaut de 1 pour 10000. Excellent, pas vrai? Une chaussette ratée sur 10000, on vit avec. Mais dans le domaine aérien, ça fait 5 crashes par jour. On comprend bien que la notion de qualité ne peut pas se résumer à un taux de conformité. Et que parfois, qu'on le veuille ou non, on ne peut pas tolérer de défaut. Quitte à s'embrouiller en comité projet...
4 De pascal weber - 20/12/2011, 13:26
On ne peut pas comparer un trou dans une chaussette et un crash aérien. C'est bien ça le sujet. Dans un cas on risque au pire un rhume si les conditions météo sont de la partie, dans l'autre la mort... Il me semble qu'un site internet est rarement vital (n'oublions pas que les 3/4 des habitants de la planète n'ont pas le web et survivent tout de même !)
L'article d'Elie est très juste : évaluer le risque, comparer ce qu'on gagne et ce qu'on perd. Et si à première vue ce que dit JPV peut paraître sensé, on peut également se poser la question : à quoi bon avoir un site accessible si personne ne le trouve faute de référencement ?
Pour reprendre l'exemple de la boîte de nuit : si personne n'y vient car personne ne sait qu'elle existe, le fait qu'elle respecte les normes de sécurité devient sans objet...
5 De Olivier Nourry - 21/12/2011, 09:28
"à quoi bon avoir un site accessible si personne ne le trouve faute de référencement?"
Cette phrase illustre parfaitement l'erreur fondamentale d'appréciation des priorités contre laquelle JPV et moi cherchons à mettre en garde. Bien entendu, n'importe quelle page peut être atteinte via son URL, référencée ou pas. L'inverse n'est pas vrai: un site au pagerank stratosphérique est inutilisable dans certaines combinaisons utilisateurs/code.
Arrêtons de croire que le référencement est indispensable, au sens vrai du terme. Il suffit de consulter son historique de navigation pour voir qu'on utilise autant un moteur de recherche que des accès directs par bookmarks, saisie d'URL, ou clic de liens poussés par e-mail, publicité, site référent, réseaux sociaux, et tutti quanti. En revanche, oui, le référencement est extrêmement utile dans de nombreux cas, et il aura donc une priorité élevée. Mais ce n'est pas un prérequis, contrairement à l'accessibilité (pour certains critères) et la sécurité par exemple.
Pour reprendre l'image de l'avion: même en l'absence de signalisation, les passagers peuvent trouver leur chemin dans l'aéroport jusqu'à la porte d'embarquement: personnel d'accueil, plan, souvenirs et exploration... ça sera plus dur, mais possible. En revanche, même avec une signalisation 4 étoiles, ils ne pourront pas monter dans l'avion si la rampe d'accès n'est pas en place, et il n'y a pas de contournement réaliste à cela.
L'article d'Elie est frappé au coin du bon sens, c'est la traduction d'une approche saine et logique de la gestion de projet. Ce que je regrette, c'est qu'il ne met pas assez en avant le fait que certains critères ne sont pas négociables. On ne peut pas jouer du curseur, c'est interrupteur sur 1, point. Dans ma pratique de la gestion de projet, j'ai l'habitude d'appeler ça des "anomalies bloquantes". Celles qui font que le service est inutilisable, et c'est comme s'il n'existait pas. Après il y a différents degrés (graves, majeures, mineures) pour justement marquer cette séparation. Inutile de traiter les anos non bloquantes tant que les bloquantes sont là. Une mesure de la qualité qui négligerait cet aspect ne peut pas donner un résultat acceptable.
Que je sache, aucun critère de SEO ne sera jamais bloquant. Tant que le site existe, et que son URL est la bonne, le reste c'est de l'optimisation. Ni plus, ni moins.
Maintenant, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit: *tous* les critères d'accessibilité ne sont pas bloquants. Il en est dont on peut très bien se passer, d'autres qui vont poser un problème sérieux, mais contournable, et d'autres enfin qui conditionnent directement la *possibilité* d'utiliser un processus. Je souligne ce terme de possibilité, car là réside un malentendu trop souvent véhiculé à propos de l'accessibilité. Au sens strict, l'accessibilité ne consiste pas à obtenir un accès optimal pour tous, mais possible pour tous. Pour paraphraser le très estimé Laurent Denis: l'accessibilité, c'est faire la même merde pour tout le monde. Accès possible pour tous, et c'est tout (et c'est déjà énorme). Ce distinguo est crucial, car en cherchant à endosser trop de causes, les défenseurs de l'accessibilité risquent de se noyer sous la masse des responsabilités. A chacun sa tâche, l'ergonomie aux ergonomes, la qualité de code aux développeurs, etc. C'est via une coopération bien pensée que l'ensemble fonctionnera, bien sûr. Restera toujours l'existence de prérequis, dont certains incombent à l'accessibilité.
Pour l'histoire des chaussettes et des avions: ahem. Oui, évidemment que c'est caricatural, l'idée est de montrer que "proche de 0" n'est pas toujours acceptable. Même dans l'aérien, toutefois, il y a des "non nuls" acceptables: si le four à micro-ondes est en panne, c'est chiant, mais pas bloquant. Une fuite de carburant, c'est no-go. C'est donc une question de dosage des priorités, en gardant à l'esprit qu'il y a des ingrédients nécessaires, d'autres non.
6 De JPV - 21/12/2011, 15:44
"Pour reprendre l'exemple de la boîte de nuit : si personne n'y vient car personne ne sait qu'elle existe, le fait qu'elle respecte les normes de sécurité devient sans objet..."
Très bon exemple, c'est justement pour éviter cette mesure de risque erronée que le législateur à supprimé le risque "sécurité incendie". En d'autres termes c'est ta remarque qui est sans objet : si tu ne respecte pas la règlementation en matière de sécurité incendie, tu n'ouvres pas, simplement.
Et je peux témoigner que la commission sécurité est particulièrement pointilleuse, dans une autre vie j'ai du refaire un escalier de deux étages parce qu'il manquait 10 mm de hauteur de marche.
Pour en revenir à notre sujet, si la gestion du risque référencement est uniquement lié à des contraintes de performances, le risque accessibilité est d'une toute autre nature parce qu'il impacte un "droit fondamental" exprimé de multiples manières par le législateur via les lois sur la discrimination, les droits à la compensation et RGAA dans le domaine numérique.
Mais nous avons trois problèmes : une règlementation spécifique (RGAA) inadaptée, ou plus précisément inadaptable (en attendant les choix catastrophiques de la Commission Européenne) au contexte qu'elle est censée définir, un corpus de normes internationales (WCAG/ATAG) très mal utilisé et la réaction immunitaire naturelle du corps social vis à vis de la différence.
Ce qui produit, pour rester concentré sur le sujet référencement, un biais dans la gestion des risques liés à l'accessibilité Vs ceux liés au référencement.
On ne peut mesurer de la même manière le risque lié à un mauvais référencement et le risque lié à une mauvaise accessibilité pour certaines de ses dispositions au moins.
Surtout si on se place dans une perspective de performance, le gain ne se mesure pas en bénéfice mais en productivité, autrement dit on ne gagne jamais d'argent à rendre accessible, c'est un leurre, en revanche on fait des économies.
Et pour une part de l'accessibilité, celle qui réfère notamment au droit fondamentaux de la personne, il n'y a ni gain ni économie, il y à juste une charge.
De la même manière que dans un projet d'établissement ouvert au public les règlements hygiène/sécurité ne sont pas des investissements ce sont des charges d'exploitation.
Donc en matière de gestion du risque, il y a une part de l'accèss où la question ne se pose pas c'est 100% risqué et cette part ne dépends ni de la nature, ni des moyens, ni du contexte.
Pour reprendre l'exemple des alternatives d'image, pour certaines d'entre elles le risque c'est 100% (perte d'information ou de pertinence) on est donc là dans une "anomalie bloquante" pour reprendre les termes d'Olivier. En revanche pour d'autre alternatives d'image le risque est moindre, par exemple les images de décoration où on peut envisager de gérer le risque d'incidence sur la compréhension. Mais il n'y a que le domaine accessibilité qui peut mesurer ce risque. D'où ma réaction un peut vive sur SEO 1,4,5 qui place les objectifs de référencement sur le même plan que l'accessibilité.
Cela ne veut pas dire que le référencement ne peut pas intervenir sur les alternatives d'image, bien au contraire, cela veut juste dire que sur la mesure du risque le seul outil correct c'est l'accessibilité.
Bon j'ai réussi à citer "risque" douze fois dans ce modeste commentaire : spécial cadeau de fin d'année à Elie :)
7 De Afairedepapiers - 14/12/2012, 18:25
Beaucoup de petites agences ou d'intervenants ne mesure clairement pas les risques quand elles travaillent sur le site web d'un client, un déréferencemet ( j'ai vu des prestataires mettre un site complet en noindex :( ) ou bien des sites innaccessibles tout un week end pour faute de manip un vendredi soir... et c'est une catastrophe pour une TPE/PME, un carnet de commande qui se vide et ensuite pour s'en remettre il faut parfois des mois !!!